- Séverine C.
Chemins croisés d'adultes "hyper perceptifs"... ou perceptifs tout court ?
Ils ont aujourd’hui 30, 40, 50 ans, et ont essayé de se frayer un chemin à la fois personnel et professionnel malgré leurs perceptions souvent exacerbées… Ces anciens enfants dits « hyper quelque chose », sont maintenant des adultes. Ils vibrent fort au son du monde et perçoivent ce qui les entoure avec une sensibilité puissante.
Découvrez l'expression de ces regards.
"De ma jeunesse, je retiens cette enfant toujours à défendre le camarade faible, à côté de celui qui souffre, à l’écoute, la copine qui distribue son goûter. En proie à cette empathie démesurée, qui me maintient dans une perpétuelle souffrance. Du monde et des gens autour de moi, je perçois la détresse, la peine, le désespoir, mais aussi la colère, la méchanceté, l’injustice, la trahison, ces sentiments puissants et destructeurs qui m’arrivent en pleine figure, me transpercent et me blessent continuellement. Je trouve refuge dans ma chambre, blottie, isolée, dans ma bulle, protégée des agressions du monde extérieur, qui s’agite sans moi. Apaisée. En introspection. Connectée avec moi-même, et des ailleurs étrangement familiers …

L’adulte que je suis aujourd’hui reste transportée par un sourire, touchée par un regard, chamboulée par une intention, détruite par une larme. Mais je m’efforce de recevoir ces énergies comme une richesse… "
Murielle, 47 ans, Assistante “perceptive”
"Enfant, tellement perfectionniste par rapport à mon histoire personnelle je me devais de ne pas créer de soucis à ma famille. Verdict : personne ne s'est rendu compte de ma dyslexie.
Mes grands-parents m'ont sorti un dessin récemment : le premier plan de mon cabinet médical. J'avais 4/5ans. Très rapidement au début du collège je savais que je voulais être thérapeute manuelle, j'ai donc organisé tout mon apprentissage autour de ce projet. Si j'aimais, je cherchais au delà des cours…
Ado, il fallait rentrer dans un moule, ne pas faire de vagues… Après les gens de mon âge ne m'intéressaient pas trop… Mes amis avaient souvent 3-4 ans de plus que moi, dès mes 12/13 ans.
Suivant ce qu'il se passe c'est une tempête dans ma tête et mon corps, comme une impression de partir dans tous les sens, il faut souvent que je me recanalise. L'impression que parfois les gens n'arrivent pas à me suivre.
Dans mon travail, je ne peux expliquer mais je ressens certaines douleurs des patients dans mon propre corps ou certaines pensées ou mots peuvent intervenir de manière intuitive et instinctive pouvant par la suite "retentir sur les maux des patients".
Le plus dur est peut-être de se faire confiance et de s'accepter.
Je ne me vois pas comme quelqu'un de différent des autres mais quand je prends de la distance je me rends compte que je n'ai pas toujours les mêmes réactions
et en même temps je ne suis pas un X-Men...
Finalement "être dans une norme" n'est-il pas plus facile à vivre ? Sans passer son temps à se poser des tas de questions…
Milène, 30 ans, Thérapeute “perceptive”
"Petite fille, j’étais timide, j’avais peur de tout et je n’osais pas m’affirmer.
Je subissais les brimades des autres enfants sans répliquer.
A l’adolescence mes peurs, mes inquiétudes étaient toujours présentes, je n’exprimais jamais mes ressentis, je me sentais différentes des autres.
A l’âge adulte, je traversais les étapes de la vie avec toujours au fond de moi des craintes, une faible estime de moi et le sentiment de n’être jamais à la hauteur.
Je me noyais dans mes émotions, comme une énorme vague qui vous chahute dans tous les sens et qui vous écrase sur la plage.
Puis un jour, je ne me suis pas relevée. Alors j’ai cheminé longuement pour comprendre, me comprendre. Mes blessures d’enfant étaient toujours présentes.
Aujourd'hui, mon chemin s'est éclairé. Je reconnais et accueille mes émotions avec bienveillance.
J'ai compris que mes anciennes croyances me limitaient.
Même si je chavire de temps à autre, je suis plus à l’écoute des signaux et messages que mon corps m’envoie et prends le temps de me ressourcer.
Nathalie, 55 ans, Secrétaire “perceptive”
"Être hypersensible ou hyper-réceptif est probablement une grande force qui s’avère plus déstabilisante que rassurante au départ de notre cheminement dans la vie.
Plus jeune, je me souviens avoir manqué d’assurance en raison d’un ressenti et d’une vision différente du monde et de la relation à autrui. Il m’était difficile de canaliser, de comprendre et de gérer l’ensemble des informations fines et profondes liées à une perception très forte et une vision non standard de mon environnement. Entre sentiments d’injustice et d’incompréhension, avec une partie des personnes m’entourant, il me semblait que je devais m’évertuer à être comme les autres. J’avais besoin de temps et le monde courait !!! Puis à travers l’apprentissage de l’art comme le théâtre et la musique ou de la pratique des sports collectifs et du surf, ma timidité s’est effacée grâce à la créativité, le partage avec autrui et la réalisation de soi au sein d’une communauté.
Aujourd’hui, je sais que l’hyper-réceptivité peut devenir une qualité remarquable pour être utile et en phase avec le monde, c’est à dire en accord avec soi-même et l’autre."
David, 45 ans, Directeur d'École “perceptif”
"Ma sensibilité… Petit : quelque chose prend de la place en moi, et je prends de la place…
Un peu moins petit : je sens bien que plein de choses viennent à moi et tout m’intéresse, mais jamais jusqu’au bout. Les choses sont bien difficiles à construire…
Puis mes pensées deviennent des préoccupations…
Une force d’optimisme que nous avons tous et que l’on appelle l’envie, fait que par la loi de l’attraction, lorsqu’il est temps tout s’éclaire.
Je comprends que je suis unique et le resterai toujours.
Je suis heureux enfin de voir la réalité à travers d’autres prismes que ceux qui m’ont été enseignés par ma famille bienveillante et une société qui l’est de moins en moins. Je me sens libre par conséquent de voir depuis, mon œil sensible, dégagé de toute croyance, animé par ma conscience que j’entends maintenant.
Son secret : « Tu n’es pas fait que pour aimer. Être plaisant, plaisir, paix, joie, compassion, félicité, extase et succès, à ta façon, t’ouvre les portes de la vie qui sont l’équanimité. On ne peut te comprendre tout le temps, puisque chacun à sa propre vision de la réalité. Et lorsqu’il s’agit de t’évaluer et par ignorance de te juger, tu n’es pas compris. Ne prends pas ces choses pour toi. Ce qui t’appartient, c’est de te servir de moi. Je suis ton guide qui te permettra d’aller, de passer et de faire passer toutes les étapes de ta vie. En faisant que ton présent soit toujours le plus juste.
Tes pensées deviendront agréables, alors ta vie le sera encore plus et grâce à toi, celle des autres aussi ».
Que notre sensibilité émotive soit notre locomotive."
Julien, 44 ans, Thérapeute “perceptif”

"Mon refuge aussi loin que je me souvienne, était la forêt en lisière de mon jardin. Mon Père avait apposé sur une belle poutre de la terrasse une grosse cloche, j'adorais son tintement même si lorsque je l'entendais je savais qu'il était temps pour moi de rentrer. La forêt m'accueillait à chaque retour de l'école : elle m'apaisait, m'écoutait, m'inspirait, me comprenait… moi si sauvage... si émotive aussi... ne pouvant aligner trois mots sans rougir ou bafouiller devant toute personne élevant la voix ou ayant le pouvoir de juger, noter ou sanctionner... d'où des difficultés à lire devant une classe entière puis plus tard des notes aux examens oraux catastrophiques !!!
J'étais qualifiée comme une élève « hyper susceptible toujours sur la défensive » ou pire encore une élève impertinente... ces qualificatifs m'ont fermée, enfermée dans une cage d'incompréhension et je suis devenue un véritable « garçon manqué » en société ! J'aimais alors me retrouver seule dans ma chambre pour laisser parler mes émotions (mon côté féminin). C'est ainsi que l'écriture est devenue mon deuxième refuge pour exprimer mon ressenti enfoui au plus profond de mon cœur. Les mots couchés sur une feuille blanche séchaient mes larmes, traduisaient tant de sentiments inexprimés allant de la joie à la tristesse, de l'amour à la détresse, mais parlaient aussi de liberté, d'évasion et de paysages aussi magnifiques les uns que les autres … Que de grands moments de Bonheur à noircir des pages et des pages, souvent tard dans la nuit, hors du temps, loin des autres, au plus proche de moi.
Le sport fut salvateur aussi pour moi, domaine où j'ai pu exprimer ma rage de vivre et mener bien des combats contre moi même, me trompant d'adversaire !
J'ai longtemps porté ma sensibilité à fleur de peau tel un fardeau, je l'étouffais car j'avais honte de qui j'étais. Mais aujourd'hui pour rien au monde je voudrais être « autre ». Je me sens au plus prés de tout un monde visible et invisible, tous mes sens en éveil à l'écoute du Vivant tant animal, végétal que minéral ; émerveillée par la Nature qui me parle, me nourrit, m'embellit et me fait tant vibrer . Je me sens terrienne et je n'ai plus peur de mon ultrasensibilité ; elle fait de moi une personne qui aime écouter, donner, aider et partager... et j'écris encore de temps en temps..."
Delphine, 53 ans, Coach sportif “perceptive”
Un énorme merci à Murielle, Mylène, Delphine, Julien, David, Nathalie et Caroline (voir interview). Des mots toujours touchants, profonds, sincères. Chacune et chacun dans sa prose, pudique. Il n’y a pas une forme unique de sensibilité, il y a donc plusieurs façons de l’écrire…
Lien vers l'interview de Caroline Chazot - Lola de Guingois, l'effeuilleuse "mise à nu" tout en pudeur : https://www.severinecamus-lesite.com/se-mettre-a-nu
